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01/11/2007

Les hauts et les bas du requin tigre

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Ma femme en compagnie d'un requin tigre. Aliwal Shoal, Juin 2007




Les dernières observations pratiquées sur le requin tigre, comme souvent, contredisent les précédentes. Il s’avère que le requin tigre est un requin qui a des sautes d’humeur dont on n’avait jamais vraiment perçu l’origine, évidemment lunatique, sans qu’elle ne soit tout à fait nocturne.

Que ce soit en matière de profondeur, de température, de nourriture ou de lieu de résidence, le requin tigre oscille. L’hésitation est érigée chez lui en mode de vie et varie avec l’âge. S’il vous attaque un jour, ce sera du bout des dents, pour mieux vous connaître. L’adolescence du requin tigre a plusieurs rangées.

La première de ses hésitations tient à son mode de déplacement. Les anglo-saxons appellent cela son « schéma de nage rebondissant ». Le requin tigre arpente la colonne d’eau de bas en haut. A cela une raison bien simple : comme le dirigeable recherche les courants porteurs, le tigre inspecte les strates odorantes en recherche de nourriture, car les courants portent conseil. Il passe rapidement de 6 à 70m. Le tigre passe sa journée dans l’ascenseur.

Car il en va autrement la nuit. Le requin tigre n’arrive pas à se décider. Ou bien il s’éloigne en mer, ou bien il se rapproche de la côte. Dans tous les cas, il est moins actif qu’on ne le pensait et reste même parfois longtemps en un même lieu, sans doute pensif. Ce demi somnanbulisme explique sans doute le pyjama rayé qu’il porte en permanence.

On disait jusqu’à récemment que le requin tigre ne vivait qu’en eau chaude et ne descendait jamais à plus de 350m de fond. Les dernières études, basée sur la télémétrie acoustique, ont déjà (en moins de deux ans) prouvé le contraire. Les quelques requins tigres marqués à Aliwal Shoal en Afrique du Sud avec des appareils enfin fiables ont montré qu’ils pouvaient descendre ponctuellement jusqu’à 875m dans une eau à 5°c.

Reste que le tigre préfère quand même l’eau chaude. C’est indéniable. Il quitte plus ou moins les eaux du Kwazulu Natal en Juin pour ne revenir qu’en Octobre. Quelques spécimens particulièrement bien adaptés restent néanmoins dans la région en permanence. On ne sait ce qui les différencie des autres, si ce n’est un vécu de requin tigre particulier.

Deux choses semblent provoquer les transhumances du requin tigre. La nourriture et la température de l’eau. Cette dernière semble cependant bien plus déterminante. Ainsi, on ne constate pas les mêmes transhumances chez les requins tigres hawaïens que chez les tigres sud-Africains, la température des eaux hawaïennes étant bien plus constante.

Parmi les autres aspects changeant de la personnalité du requin tigre, on peut également citer son régime. Contrairement à bien d’autres requins, le tigre possède un régime extrêmement varié de proies vivantes ou non. C’est ce qui lui valu sa réputation de poubelle des mers ,puisqu’on a souvent retrouvé des objets en métal ou en plastique dans son estomac. Ce caractère de charognard lui a certainement valu d’endosser certaines attaques qu’il n’avait peut-être pas commises. Ainsi, quand on a retrouvé, il y a deux ou trois ans le bras sectionné d’un pêcheur sous-marin disparu près de Sodwana en Afrique du Sud, on a tout de suite cru que le coupable était un gros requin tigre de plus de quatre mètres observé dans la zone de recherche le même jour. Il n’est pas dit cependant que le pêcheur sous-marin ne soit pas mort d’une syncope en remontant à la surface et que le requin tigre n’ait fait que se repaître du corps qui traînait au fond.

Le régime varié du tigre en Afrique du Sud se compose principalement d’élasmobranches que l’on retrouve dans 46,5% des estomacs de spécimens capturés, puis viennent les téléostes (37,3%), les mammifères marins (36,4%), les oiseaux (22,5%), les mollusques (16,3%), des objets divers et variés (13%), les crustacés (10,7%), les reptiles (6,6% : essentiellement des tortues). Ce menu peut varier énormément selon les points du globe. Chez les tigres de Shark Bay en Australie par exemple, on trouve une dominante de tortues et de mammifères marins. Ce régime évolue de surcroît avec l’âge. Ainsi ce n’est qu’à partir de 2m50 que la tortue fait son apparition au menu. Avant cela, les mâchoires du requin tigre ne sont pas encore assez puissantes pour transpercer l’épaisse carapace de ces reptiles. Cette extrême variété des proies du requin tigre nous a longtemps fait croire que nous pourrions éventuellement faire partie du menu. Ce n’est heureusement pas le cas.

La prédation des tortues nous livre quelques enseignements sur les habitudes de chasse des requins tigre. Ainsi, on s’est longtemps demandé pourquoi les tortues vertes étaient plus épargnées par les tigres que leurs cousines les caouannes. C’est le cas en Australie comme en Afrique du Sud. Après des études, on s’est aperçu que les tortues vertes passaient bien moins de temps en surface pour prendre leur respiration. Ainsi, elles s’exposaient moins.

Comme le blanc, le tigre est un requin qui chasse à l’affût. En partant du bas, contrairement au laveur de carreaux. Inversement, quand il monte, il ne peut s’empêcher de suivre ceux qui glissent vers le bas, comme des gouttes sur une vitre. Il se nourrit souvent en surface. La combinaison de ce mode de prédation, de sa taille et de son menu varié, explique qu’il se soit rendu coupable de nombreuses attaques sur des baigneurs. Rarement sur des plongeurs toutefois, et quasiment jamais sans que celles-ci ne soient provoquées. Les accidents/incidents peuvent être considérés comme provoqués dans la mesure où dans tous les cas un appât était présent dans l’eau moment de l’attaque, qu’il s’agisse d’un shark feeding ou de pêcheurs sous marins.

Reste qu’on sent qu’il convient d’être méfiant en présence d’un tigre. Comme le longimanus, le tigre vient défier le plongeur de très près. Le mieux alors est de ne rien faire. Quand on a l’habitude, comme moi, de plonger avec une caméra, on peut toujours se protéger avec celle-ci, mais mieux vaut tout de même ne pas provoquer de contact avec le requin, même s’il vient très près. Il n’est pas dit d’ailleurs que ce ne soit pas le métal et les batteries de la caméra qui l’attire. Les requins tigres aiment également beaucoup les écrans de contrôles LCD des caméras vidéos modernes. Méfiez vous donc des caméras sous marines pourvues d’un écran de contrôle extérieur. A moins que vous n’aimiez vous faire des frayeurs.
Méfiez-vous également du calme du tigre. Quand un tigre attaque, l’attaque est rarement soudaine, il ne s’agit d’ailleurs le plus souvent même pas d’une attaque de son point de vue, mais d’un « check bite ». Une morsure investigatrice faite dans le calme. Le requin tigre n’a pas peur de vous. Il n’hésitera pas à vous « goûter » pour mieux vous identifier. Ainsi est fait son caractère.

Quoiqu’il en soit, en règle générale, le tigre évite l’homme. Pendant longtemps, on s’est d’ailleurs demandé pourquoi les palanquées de plongeurs voyaient si peu de tigres sur Aliwal shoal, alors même que le récif fait partie de leur territoire. On pourrait d’ailleurs se poser la même question pour les requins blancs du Cap. La réponse est simple, les requins tigres évitent les plongeurs.Les relevés faits sur Aliwal grâce aux requins marqués montrent que ceux-ci ne fréquentent assidument le récif que l’après midi, alors même que les dernières plongées ont lieu entre midi et une heure. Les tigres ont compris les règles de notre manège sous-marin. Quant aux spécimens qui s’aventurent sur le récif durant la matinée, les plongeurs la plupart du temps ne les voient pas. Probablement se faufilent-ils derrière les palanquées où nagent-ils en surface quand ils les croisent. Or nous ne regardons que rarement au-dessus de nos têtes, piétons que nous sommes d’un monde en deux dimensions.

Le tigre, qui est également le plus primitif des requins, la plus vieille espèce vivante, est un requin discret et furtif qui se cache et nous cache sans doute encore bien des secrets.

05/06/2007

Des tigres en Afrique ?

Mais oui voyons, des requins tigres. Il se trouve que ce site manque récemment d’informations fraîches, de celles qu’on ne lit pas partout sur Internet. C’est pourquoi je me suis dit qu’il était temps d’aller en cueillir quelques unes à la source. Des nouvelles de première main.

La semaine prochaine, je pars plonger en Afrique du Sud voir les Tigres d’Aliwal shoal. J’ai déjà tenté le coup deux fois, en 2003 et en 2005, mais pour des raisons qui ont varié entre l’absence de requin en 2003 (la technique pour les attirer n’était pas encore aussi éprouvée qu’aujourd’hui) et une malencontreuse gueule de bois des marins en 2005, les sorties sont à chaque fois tombées à l’eau, si je puis dire.

Cette fois ci sera la bonne et si tout se passe bien, j’irais plonger deux fois avec eux. Au début, mon souhait était de retourner chasser les boules d’appât du Sardine Run, mais j’ai préféré opter pour un plan B, car pour la seconde année consécutive, le Sardine Run s’annonce bien mal. Peu de poches ont été aperçues pour le moment. L’année dernière déjà, on n’avait rien vu sur les plages du Kwazulu Natal.

Cette fois-ci, on peut définitivement dire qu’il y a un dérèglement. C’est la deuxième fois de suite alors même qu’il n’y avait déjà pas eu de Sardine run en 2004, sans doute ce coup-ci pour des raisons de fin de cycle. Ainsi, il n’y a donc eu qu’un seul vrai Run depuis 2003. Ces deux dernières années sont particulièrement suspectes. Le réchauffement climatique et El Nino ont beau dos.

Il se murmure que le gouvernement sud africain aurait accordé des permis de pêche à d’énormes chalutiers qui moissonnent le banc de sardines avant même qu’il n’ait quitté la région du Cap. Il se dit que le port de Mossel Bay est rempli de cette flotte, que l’endroit serait pris de frénésie quand elle déverse ses flots de poissons. On songerait même à construire deux conserveries sur place. Le Sardine Run, phénomène naturel sans équivalent au monde, qui se déroule inlassablement et cycliquement sans doute depuis des centaines de milliers d’années, est suspendu jusqu’à nouvel ordre sur intervention d’une poignée d’épuiseurs de ressources. Les centaines de milliers de dauphins et de requins qui sont venus pour l'occasion se sont déplacés pour rien. Leurs frais de voyage ne seront pas remboursés. C’est scandaleux. Je ne sais ce qu’on peut faire, ni à qui écrire. Je vous le ferais savoir dès que j’en saurais plus. Et surtout je vous dirais à mon retour si ces funestes rumeurs se sont vérifiées, en fonction de la présence ou non des sardines.

Quoi qu’il en soit, et pour éviter de contempler la surface de dépit, je m’en vais voir les tigres d’Aliwal, je l’espère quelques raggies, et entre une plongée à Protea Banks et une autre à Sodwana, je croiserais bien quelques baleines.

J’ai constaté sur You Tube que l’on n’attirait plus les Tigres recroquevillé dans un petit renfoncement du récif à Aliwal. Désormais, la chose se fait apparemment en pleine eau. Des morceaux de poissons sont déposés dans un seau qui pend de la surface. De nombreux requins sont attirés, notamment des requins à pointe noire. Je suis curieux de voir en quoi cette technique diffère de celle de Walker’s Cay et son Shark Rodeo.

Certes, je désapprouve officiellement ces pratiques, certes je préférerais naturellement voir un banc de sardines attaqué par une horde de requins sombres, mais je ne peux m’empêcher d’y aller, pour voir ces énormes requins à rayures de très près, des fois que demain ce ne soit plus possible... comme pour les sardines.

Tant pis pour moi ou pour le concert des Daft Punk. Si j'y pense, je les écouterais sur mon autoradio. On the Sunshine Coast.

17/11/2006

Comment les requins ont-ils attaqué les marins de l’USS Indianapolis ?

‘When night came, things would bump against you in the dark or brush against your leg and you would wonder what it was. But honestly, in the entire 110 hours I was in the water I did not see a man attacked by a shark. However, the destroyers that picked up the bodies afterwards found a large number of those bodies. In the report, I read 56 bodies were mutilated, Maybe the sharks were satisfied with the dead. They didn't have to bite the living. »

Lewis L. Haynes, survivor


S’il est une histoire mythique parmi toutes celles qui concernent les requins, c’est celle du naufrage du croiseur américain USS Indianapolis en 1945. Mythique est le terme, puisqu’il s’agit d’une histoire qui a fait l’objet de nombreux récits, le plus célèbre restant sans doute celui qu’en fait Quint, le vieux chasseur de requin des Dents de la Mer, sorte d’Achab du siècle passé. D’après ce dernier, les requins auraient harcelé un à un et sans relâche les marins de l’Indianapolis pendant plusieurs jours, tuant celui-ci, arrachant une jambe à cet autre, le tout au milieu d’une infâme curée que seule l’arrivée bien tardive des secours fit cesser. Quint attribue d’ailleurs toutes les morts postérieures au naufrage aux requins. L’histoire se teinte d’un second niveau de lecture qui la rend encore plus mythique quand on sait que l’USS Indianapolis était sur le chemin du retour après avoir livré la bombe dévastatrice (à plus d’un titre) qui devait tomber quelques jours plus tard sur Hiroshima. La Nature faisait payer de la plus horrible des manières à une poignée d’hommes l’acte d’hybris destructeur de tout un peuple. Le décor était planté.

Les récits de survivants, bien que souvent très discordants entre eux, tracent tout de même les contours d’une histoire qui en bien des points diffère de celle que nous raconte Quint.

Tout d’abord et contrairement à ce qu’on pourrait croire, la première attaque de requin ne survint qu’après un temps d’immersion somme toute fort long. Au moins 14 heures, sans doute plus.
Le naufrage eut lieu le dimanche soir aux alentours de minuit et la première attaque que rapporte un témoin aurait eu lieu le lendemain dans la journée. Pour d’autres rescapés, cela ne commença que ponctuellement, au cours de la nuit suivant le naufrage. D’autres encore s’accordent à dire que les attaques ne commencèrent sérieusement que le mardi.
Il est à noter d’ailleurs qu’il n’était parfois pas possible aux témoins de distinguer clairement si les requins attaquaient un mort ou un vivant. En effet, les requins n’étaient, et de loin, pas la principale cause de tracas parmi les naufragés. Le soleil, le manque d’eau et l’hypothermie faisaient leur travail, quand bien même l’eau était chaude. Probablement que nombre de cas perçus par certains comme des attaques impliquaient des requins qui attaquaient un cadavre flottant en surface.
Une seconde raison qui explique les contradictions entre les témoignages tient à l’éparpillement des naufragés. Environ 900 hommes qui tombent à l’eau ne restent pas, pendant plusieurs jours, parfaitement groupés ensemble. Au contraire, ils s’éparpillent, car les courants ne sont pas uniformes. Ce qu’ont vécu certains groupes n’est pas forcément transposable à ce qu’ont vécu d’autres.

Il est à souligner que les naufragés avaient eu la bonne idée de se rassembler. Ceci eut probablement pour effet d’intimider les requins dans un premier, voire même dans un second temps, puisque quand les requins s’attaquèrent directement à un groupe de marins, ils s’en prirent d’abord à des individus situés à sa périphérie. En revanche, puisqu’une bonne idée en entraîne toujours une mauvaise (le monde étant symétrique), ceux-ci ne purent s’empêcher, suivant les consignes que prodiguaient l’US Navy à l’époque, de battre l’eau de la main pour faire fuir les premiers squales. Erreur. Ceci eut sans doute pour effet d’en attirer d’autres.

A ces battements intempestifs vint s’ajouter le vomi des marins. Un croiseur d’une telle taille qui coule, les cuves pleines, libère une quantité de mazout invraisemblable. Les naufragés qui se débattaient dans cette mélasse et la respiraient en firent les frais. Avalée, elle provoquait un rejet net. Mais la bouffe expulsée pour certains animaux à nageoires, c’est de la bouffe d’occasion. Les petits poisons attirent les moyens, et ces derniers les plus gros. Alors forcément ça aimante les requins.

Apparemment, mais, là encore, les témoignages diffèrent, les attaques, au cours des trois premiers jours, ne furent pas régulières. Selon l’heure du jour, et surtout de la nuit, leur nombre amplifiait. Il semble qu’elles s’intensifiaient en fin de journée et la nuit pour ralentir, voire s’arrêter le jour. En tout cas, jusqu’au troisième jour. Ce comportement semble bien correspondre à celui des deux seules espèces clairement identifiées : le requin tigre et le requin longimanus. Il n’est à ce propos pas à exclure qu’au moins une autre espèce ait pu être présente, qu’il s’agisse du requins soyeux (silkies) ou de l’albimarginatus (silvertips). Le requin tigre, que l’on sait volontiers charognard, fut certainement de ceux qui se nourrirent des cadavres de noyés.

L’idée de cet article n’est pas de minimiser l’enfer qu’ont vécu les marins de l’Indianapolis, mais plutôt de le présenter sous un jour différent -peut-être pire- de celui qu’on connaît habituellement . Trois conclusions s’imposent à la lecture des témoignages existants.

La première est les requins ne se précipitèrent pas agressivement et sans raison sur les marins pour les décimer méthodiquement jusqu’à l’arrivée des secours. Les requins étaient stimulés par des odeurs, par une probable importante présence d’autres poissons, par des vibrations, par des cadavres flottants. Néanmoins, il fallut quand même attendre au moins 14h avant la première attaque et encore, à partir de là, n’attaquèrent-ils pas continuellement. Le requin (même quand il est représenté par deux de ses espèces dites les plus dangereuses) est donc un prédateur bien plus prudent et moins immédiatement dangereux que ses homologues terrestres.

La deuxième conclusion est que l’on surestime peut-être l’importance des requins dans la souffrance des hommes de l’USS Indianapolis. Les témoignages réalistes conduisent à penser que sur les 600 marins environ qui périrent après le naufrage, la mort d’entre 50 et 80 est directement imputable aux requins. Nombreux sont d’ailleurs les témoignages qui ne font qu’effleurer le sujet des attaques. Les hallucinations qui faisaient apercevoir à certains la silhouette de l’épave sous leurs pieds ou une île déserte au loin, les brûlures du soleil, la soif, le froid, la mort des uns et des autres par noyade quand ils avaient le malheur de s’endormir, furent des souffrances au moins aussi pénibles que celles que leur occasionnèrent les requins.

Mais la peur la plus atroce qui habita les rescapés, certains le soulignent, fut celle d’être abandonné. La peur de mourir perdu en mer ; la peur que personne ne vienne vous chercher. Ils soulignent le fait que dans de telles conditions, le vrai courage est de choisir de vivre ou d’essayer. Les requins ne sont qu’une épreuve à supporter parmi toutes celles qui composent ce calvaire.

La troisième conclusion, qui va d’ailleurs dans le même sens que la précédente, est que les requins ont été des boucs émissaires, parmi d’autres, qui ont permis de masquer le fait que l’US Navy ait oublié ses marins pendant quatre jours.

D’ailleurs, je me dis parfois qu’il y a peut être eu des marins de l’USS Indianapolis qui, bien qu’ayant survécu, n’ont pas été retrouvés, qui ont aperçu les secours, qui les ont vus partir, que les requins n’ont même pas daigné attaquer et qui sont morts de froid et de désespoir au milieu d’une mer chaude. Abandonnés.
Ceux-là ont peut-être connu le pire du pire.